C'est le , qu'Henry Ford crée la Ford Motor Company avec le soutien de onze investisseurs ayant réuni un capital de 28 000 dollars en espèces. Les premières voitures furent livrées le 23 juillet 1903.

L'usine est installée dans une ancienne fabrique de fiacres de Détroit, elle connaît des débuts difficiles. Mais Henry Ford fourmille d'idées : en cinq ans, il crée dix-neuf modèles différents. L'entreprise importe du caoutchouc du Congo léopoldien pour la fabrication de pneus et pièces de moteurs.

Le succès vient en 1908 avec l'arrivée de la célèbre Ford T le . Ce modèle fut vendu à plus de quinze millions d'exemplaires dans le monde. Le succès de la Ford T fut tel que la demande dépassera l'offre. Ford n'eut même pas besoin de faire de publicité de 1917 à 1923. En 1922, Ford rachète le constructeur américain Lincoln à Cadillac.

Deux jeunes hommes et la Ford modèle T, 1923
Ford Modèle T Canada, Montréal.

Pour produire la Ford T, Henry Ford dut mettre en place une nouvelle méthode de travail, appelée plus tard le « fordisme », inspirée directement du taylorisme, lui-même nommé O.S.T. (organisation scientifique du travail). Cette méthode se répandit rapidement au sein de l'ensemble des industries de transformation.

Pour faire face à une relative saturation du marché résultant d'une diffusion très large de la Ford T, Henry Ford élabore le principe du renouvellement des versions pour ses automobiles. De nouvelles versions de la Ford T apparaissent, parfois avec des modifications mineures par rapport aux versions précédentes, afin que le marché soit régulièrement stimulé par cet effet de mode. Critiqué pour son importation de caoutchouc congolais (travaux forcés), Ford se tourne vers des productions brésiliennes et indonésiennes.

Le succès du Modèle T permet à Ford de s'agrandir considérablement aux États-Unis, mais également en Asie (1909), en Amérique du Sud, en Europe (1911) et en Australie (1925), de nouveaux sites de production et d'assemblage voient le jour. Ce développement fulgurant s'accompagne d'un système de rémunération unique pour l'époque : 5 dollars pour huit heures de travail par jour en 1914. Il permet de produire les volumes suffisants pour faire face à l'engouement pour la voiture des "années folles".

Pendant la Première Guerre mondiale, Ford produit des sous-marins, des chars, des avions et des ambulances pour les Alliés. La société se lance par la suite dans la production de camions et de tracteurs (Fordson) en 1917. Suivit la production aéronautique en 1925 (avion Tri-Motor), rapidement stoppée par la dépression économique qui sévira aux États-Unis après la crise de 1929. En 1919, Henry Ford prend sa retraite et transmet les pouvoirs à son unique fils, Edsel, tout en continuant à s'intéresser de très près à la société.

Dans les années 1920, le fordisme et ses corollaires – la mécanisation, l’amélioration des conditions de travail et le développement de l’économie – font d’Henry Ford un héros populaire en URSS et les ventes de véhicules Ford décuplent entre 1922 et 19256. Après la Première Guerre mondiale Ford inspire d'autres industriels, en Europe, tel que Citroën, qui investit massivement et devient le 2e constructeur mondial, derrière Ford, en 1929.

À la même époque, Ford achète le journal The Dearborn Independant qu'il transforme en tribune antisémite. Il compilera plus tard ses articles dans le livre Le Juif international, traduit en plusieurs langues, et qui inspira les écrits d'Adolf Hitler. Ainsi, Henry Ford est le seul américain cité dans Mein Kampf et fut le seul à avoir son portrait dans le bureau d'Hitler7.

Le , Ford sort sa dix-millionième voiture.

Ford T.

Dans les années 1930, Ford se constitue, selon l'expression du New York Times, « la plus importante troupe militaire privée du monde ». L'entreprise s'associe à la pègre de Détroit notamment afin de recruter des mercenaires capables d'intimider les syndicalistes et de mener des actions punitives contre les ouvriers grévistes8.

Dès 1927, la direction de Ford passe un accord avec le « Al Capone de Détroit », Chester LaMare, puis s'associe à Joe Adonis, l'un des chefs de la mafia new-yorkaise. Après un accident de la route survenu à Henry Ford, en 1927, Harry Bennett, le « directeur du personnel » et véritable no 2 de l'entreprise, se dit en mesure de rassurer le public quant à l'hypothèse que son patron aurait été victime d'un attentat :« Nos liens avec la pègre de Détroit sont tels que moins de vingt-quatre heures après q'un tel projet ait été tramé, nous en serions informés »8.

L'affrontement le plus violent entre des recrues de la milice patronale et des syndicalistes eu lieu le 26 mai 1937, devant l'usine de River Rouge où des dizaines d'ouvriers syndiqués à la United Auto Workers s’apprêtant à distribuer des tracts sont attaqués. D'après les témoignages réunis par la Commission nationale des relations industrielles en juillet 1937, cinq miliciens étaient affectés pour chaque syndicaliste. En raison de la violence de ses pratiques anti-syndicales, le New York Times dit de Ford qu'il était « un fasciste de l'industrie — le Mussolini de Detroit »8.

En 1927, Ford décide de remplacer la mythique Ford T et lance la Ford A.Ford s'implante de manière plus importante en Europe, notamment à Bordeaux, France en 1925, à Dagenham, Angleterre en 1929, puis à Cologne en Allemagne en 1930. Le site de Cologne devint le quartier général de Ford Europe. En 1932, Ford fut le premier constructeur à commercialiser un moteur V8, tandis que l'entreprise soviétique GAZ fonde son usine la même année, grâce à l'aide technique complète de Ford (chaîne d'assemblage, fourniture de moteurs, organisation, introduction du fordisme, envoi de coopérants, formation du personnel, etc.), trois ans après la signature de l'accord entre la société de Détroit et le gouvernement soviétique. À l'origine, l'usine Ford se situait à Berlin et a été vendue à l'URSS9. La GAZ A est la première voiture de la nouvelle société, réplique de la Ford A et le GAZ AA, réplique du Ford AA assemblé son premier camion, dont la durée de vie ira au-delà de la Seconde Guerre mondiale. Ces modèles sont produits sous licence Ford. Les relations entre Henry Ford et Serguei Dyakanov, premier directeur de GAZ, étaient étroites et bonnes, professionnelles et personnelles. Cette amitié valut au soviétique de la part des autorités de son pays des soupçons d'intelligence avec l'étranger et de dérive droitière (à l'époque des Grandes Purges), et d'être arrêté, accusé, jugé et tué le 18 juillet 1938 par le NKVD pour espionnage au profit de gouvernements étrangers10.

Le , Ford sort sa 25 millionième voiture.

Ligne de montage de B-24 dans l'usine Ford de Willow Run

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Ford se consacre à l'effort de guerre « allié » en construisant des bombardiers, des jeeps, des moteurs d'avions, des chars de combat pour le complexe militaro-industriel des États-Unis. En 1939, Edsel, le fils d'Henry Ford fonde la marque de voitures de luxe Mercury.

Ford GP, ou Jeep
Ford Mustang 1964.
Le stand Ford au salon de l’automobile d’Amsterdam, le 17 février 1965. Les modèles présentés sont fabriqués des deux côtés de l’Atlantique.

Les usines de Ford en Union des républiques socialistes soviétiques produisent un très grand nombre de camions et autres véhicules pour l'armée rouge, tandis que l'usine allemande (Fordwerke) et l'usine de Poissy en France ont produit un grand nombre de véhicules militaires utilisés par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Ford a dénié ces allégations, toutefois il est prouvé que la société avait commencé à exploiter la main-d'œuvre de travailleurs forcés et de prisonniers de guerre avant même l'institution de cette exploitation très rentable par le gouvernement allemand. Des accusations identiques ont été portées contre de nombreuses entreprises américaines ayant des activités en Europe au moment du conflit. Mais aucune n'aura à ce point inspiré le national-socialisme.

Le président de la société, Edsel Ford, meurt prématurément en mai 1943. Ce sera Henry Ford qui le remplacera jusqu’à ce que l'aîné de ses petits-enfants, Henry Ford II, lui succède en septembre 1945. Henry Ford ne verra pas le renouveau de sa marque, il meurt le 7 avril 1947 à l'âge de 83 ans. Étonnamment, le passé nazi et antisémite de Henry Ford a été occulté dans beaucoup de ses biographies. Henry Ford incarne un tel modèle de réussite industrielle que certains préfèrent masquer les aspérités les plus grossières d'un homme qui resta un des contributeurs à l'antisémitisme américain.

Après la seconde guerre mondiale, la Ford Motor Company est dans une situation critique : les modèles sont vieux, la société perd plusieurs millions de dollars par mois. Henry Ford II entreprend alors de réorganiser et de décentraliser la compagnie, pour lui permettre de faire face à une concurrence féroce. Quarante-quatre usines de fabrication, dix-huit usines d'assemblage, trente-deux centres de distribution de pièces détachées et treize centres de recherche/développement sont construits. La Ford Credit Company (service de financement) est créée en 1959, Motorcraft (pièces détachées) en 1961.

C'est en 1963 que Ford ouvre sa première usine africaine, en montant des moteurs à Port Elizabeth. Avec le site d'assemblage de véhicules à Pretoria ouvert en 1968, l'Afrique du Sud demeure le seul pays d'implantation du constructeur sur le continent.

En janvier 1956, Ford Motor Company ouvre son capital au public. Les actionnaires sont à 700 000 $ aujourd'hui. Entre 1950 et 1970, la société va connaître une nouvelle phase mondiale de développement. La fameuse Ford Mustang sort en 1964 sur le marché américain. Sur le plan européen, de nombreuses infrastructures sont mises en place, avec, après la création de Ford France, celle de Ford Europe en 1967.

En 1978, des plaintes sont déposées pour homicide après que trois personnes soient mortes brulées dans des Ford « Pinto ». Divers indices rassemblés par des journalistes indiquent que les dirigeants de la compagnie avaient en toute connaissance de cause choisi de mettre en vente le modèle alors qu'un défaut du réservoir à essence la menaçait d'explosion en cas de collision par l'arrière. Il s'agit de la première affaire de l'histoire judiciaire des États-Unis où une grande entreprise est accusée de meurtre8.

Cette même année, des responsables de Ford Motor Company sont présentés devant la justice pour avoir versé un million de dollars à un général indonésien afin d'obtenir un contrat d'une trentaine de millions de dollars8.

Histoire récente

En 1979, Ford entre dans le capital du japonais Mazda, en prenant 24,5 %. En , Ford se renforce et porte sa participation à 33,4 % pour 480 millions de dollars. Ford est alors le premier actionnaire de Mazda11.

Ford GT 2003-2006.
Article détaillé : Ford Premier Automotive Group.

À la fin des années 1980 et au début des années 1990, Ford rachète les marques de luxe Aston Martin (1987), Jaguar (1990) ainsi que Volvo Cars (branche automobile de Volvo) au groupe Volvo AB pour 6,45 milliards de dollars12 en 1999.

Le , Ford rachète Land Rover au constructeur allemand BMW13.

Le , Ford finalise le rachat de Land Rover pour un montant de 2,73 milliards de dollars soit 3 milliards d'euros14.

En , en difficulté financière, Ford cède Aston Martin à un groupe d'investisseurs britanniques pour une somme avoisinant le milliard d'euros. Aston Martin venait pourtant de réaliser un bénéfice d'environ 150 millions d'euros pour la première fois depuis plusieurs années.

Le , Ford cède Jaguar et Land Rover à l'indien Tata Motors15.

Puis, en , Ford revend 20,4 % du capital de Mazda pour 53,22 milliards de yens, soit 425 millions d'euros16. Ford ne possède plus que 11 % du japonais.

Le , le groupe Ford vend la marque automobile suédoise Volvo au constructeur chinois Geely17 pour 1,8 milliards de dollars12. Cette vente a été signée au siège de Volvo Cars en Suède par le directeur financier de Ford et le président de Geely ce même jour18.

Suite à la vente de Volvo Cars, la division Ford Premier Automotive Group disparait.

En , Ford décide d'abandonner la marque américaine Mercury. La production doit être définitivement arrêtée fin 201019.

En , Ford ramène sa participation dans Mazda Motor à 3,5 % et n'est plus le premier actionnaire du constructeur automobile japonais20.

En 2006, Ford détient un portefeuille de huit marques : Ford, Aston Martin, Land Rover, Lincoln, Mercury, Jaguar, Volvo et Mazda. En 2010, ce portefeuille est ramené à deux marques, la marque historique Ford et la marque de voitures de luxe Lincoln. Les autres marques ont été soit arrêtées, soit cédées.

En 2017, d'anciens cadres de la branche argentine de Ford sont jugés à Buenos Aires pour complicité dans les tortures et exécutions de 24 ouvriers sous la dictature militaire. En 1976, après le coup d’État contre le gouvernement d'Isabel Perón, une unité de l'armée avait investi l'usine Ford et avait fait peu à peu disparaitre 24 délégués syndicaux. Les cadres de l'entreprise Ford de Buenos Aires sont accusés d'avoir autorisé la mise en service d'un centre de torture clandestin au sein de l'usine et d'avoir désigné les leaders syndicaux à éliminer. L'entreprise a bénéficié de ce climat de terreur pour augmenter les cadences de productivité de l'usine et supprimer toute revendication sociale21.

Le 13 décembre 2018, Ford est accusé de "trahison" par le ministre de l'économie et des finances de la république française, Bruno Le Maire. Un communiqué de Ford indique son refus d'accepter l'offre de reprise du Franco-Belge Punch Powerglide pour son site de Blanquefort22. Cette décision, qui a pour conséquence d'engendrer un plan social et la perte de 850 emplois, provoque une réaction de colère de la part de Bruno Le Maire qui reproche à Ford de ne pas avoir tenu ses promesses et ne pas avoir tenu compte de la catastrophe humaine et sociale qui naîtra de sa décision. Il reproche aussi à Ford de ne pas avoir daigné lui répondre au téléphone, bien qu'il tente de joindre la direction de l'entreprise américaine depuis trois jours : "Je veux profiter de la représentation nationale pour appeler Ford solennellement à réviser sa décision et à accepter la reprise de Punch qui garantit l’avenir du site industriel de Blanquefort."

Le 21 décembre 2018, la Métropole de Bordeaux annonce vouloir demander à Ford de lui rendre l'argent qu'elle avait allouée afin de tenter de sauver le site de Ford Blanquefort. Une motion a été votée et demande le remboursement de 1,7 millions d'euros versés par la collectivité selon un contrat-cadre datant de 201323. Les élus, qui qualifient de "scandaleuse" la décision de Ford de ne pas avoir accepté l'offre de reprise de Punch Porwerglide, justifient cette demande de remboursement afin que ces sommes "puissent être réaffectées au financement de solutions individuelles pour les salariés et d'actions de ré-industrialisation du site et des territoires sinistrés en termes d'emplois"24.

Le 7 janvier 2019, l'administration révèle qu'elle a 21 jours, soit jusqu'au 28 janvier, pour valider le plan social proposé par Ford pour son site de Blanquefort. L'Etat espère toujours convaincre l'entreprise américaine de revendre son usine de Blanquefort au Belge Punch25.

Le 7 février 2019, les salariés de l'usine de Blanquefort refusent le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) proposé par Ford26. Le 4 juin, la CGT décide d'assigner le constructeur devant le TGI de Bordeaux pour tenter de bloquer la fermeture de l’usine. Le syndicat conteste en effet le motif économique avancé pour justifier cette fermeture, et reproche à Ford un abus de droit de refuser un repreneur27. Le 24 juillet, sans préavis, la production est stoppée par la direction du site. La direction France confirme la fin de la production. Gilles Lambersend, secrétaire CGT du comité d'entreprise, affirme que la direction a profité de l'absence d'une partie des syndicalistes pour vider les chaines de montage2